Dans un combat acharné contre le temps, des scientifiques se lancent dans une mission peu ordinaire : collecter et analyser les bouses des derniers éléphants du Laos. Cette méthode surprenante pourrait représenter l’ultime espoir de sauver ces majestueux pachydermes d’une disparition annoncée. Une course contre la montre s’engage alors que les experts prédisent un avenir sombre pour ces géants d’Asie.
Résumé :
- Le nombre d’éléphants sauvages au Laos a chuté dramatiquement, passant de 3000 à moins de 1000 en deux décennies
- Les scientifiques développent des méthodes innovantes d’analyse ADN pour tenter de préserver l’espèce
- La reproduction en captivité montre des résultats alarmants avec seulement trois naissances en 13 ans
- L’interdiction de l’exploitation forestière en 2018 a forcé une reconversion brutale des éléphants
Au cœur des collines densément boisées du nord du Laos, près de la frontière thaïlandaise, une scène inhabituelle se déroule. Des chercheurs, équipés de matériel scientifique, scrutent le sol à la recherche d’un indice peu commun : des bouses d’éléphants. Ces excréments, loin d’être de simples déchets, pourraient bien détenir la clé de la survie de l’espèce dans cette région du monde.
Un déclin alarmant de la population
Les chiffres font froid dans le dos. Selon le Fonds mondial pour la nature (WWF), la population d’éléphants sauvages au Laos a connu une chute vertigineuse, passant d’environ 3000 individus à seulement 500 à 1000 spécimens en l’espace de deux décennies. Cette hémorragie démographique témoigne d’une crise sans précédent pour le plus grand mammifère terrestre d’Asie.
Les causes de ce déclin sont multiples et profondément ancrées dans l’histoire récente du pays. La destruction de l’habitat naturel, combinée à un braconnage intensif, a porté un coup dur à ces pachydermes. L’industrie forestière, avant son interdiction en 2018, a également laissé des cicatrices indélébiles sur la population d’éléphants, tant physiques que démographiques.
Cette interdiction de l’exploitation forestière illégale, si elle apparaît comme une victoire pour la protection de l’environnement, a paradoxalement créé de nouveaux défis. Les éléphants, auparavant utilisés pour le transport du bois, se sont retrouvés sans emploi, conduisant leurs propriétaires à les vendre à des zoos, des cirques ou à les reconvertir dans l’industrie touristique.
La science au secours des pachydermes
Face à cette situation critique, les scientifiques déploient des méthodes innovantes pour tenter de sauver l’espèce. Dans l’aire protégée de Nam Poui, qui abrite encore 50 à 60 spécimens, la collecte de bouses est devenue une activité cruciale. Ces échantillons, apparemment anodins, constituent une mine d’informations génétiques précieuses.
Le Centre de conservation des éléphants (CCE), en collaboration avec le WWF Laos, utilise ces données pour établir une cartographie détaillée de la population. « Le but ultime serait d’assurer une population saine d’éléphants en captivité pour servir de réservoir génétique en cas d’effondrement de la population sauvage », explique la biologiste Anabel Lopez Perez, soulignant l’importance vitale de ces recherches.
L’analyse ADN permet non seulement d’identifier les individus mais aussi de comprendre les liens familiaux au sein des troupeaux, une information cruciale pour la mise en place de programmes de reproduction efficaces.
Les défis de la conservation
Le sanctuaire de Sainyabuli, géré par le CCE, illustre parfaitement les défis auxquels font face les efforts de conservation. Avec seulement trois éléphanteaux nés depuis 2010 pour six grossesses au total, le taux de reproduction en captivité reste dramatiquement bas.
La situation est d’autant plus préoccupante que de nombreux individus du centre sont âgés et portent les séquelles de leurs années de labeur dans l’industrie forestière. L’exemple de Mae Khoun Nung, une éléphante de 45 ans ayant passé sa vie d’adulte dans l’exploitation forestière, témoigne des difficultés rencontrées par ces animaux.
Le CCE tente bien d’acheter et de protéger les éléphants captifs mis en vente, mais cette solution ne suffit pas à enrayer le déclin. Comme le confie avec inquiétude Sounthone Phitsamone, assistant vétérinaire au centre depuis plus de dix ans : « Si on compare le Laos avec d’autres pays, le nombre d’éléphants dans la base de données est faible, et diminue. Je ne sais pas si ce sera OK dans 20 ou 30 ans. »
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