Alors que de plus en plus d’entreprises autorisent les chiens au bureau, cette tendance du « pet at work » soulève de nombreuses questions et inquiétudes. Entre attrape-talents et cauchemar managérial, enquête sur un phénomène qui ne fait pas l’unanimité.
Résumé :
- Le nombre d’entreprises autorisant les chiens au bureau a augmenté de 2% en deux ans
- 62% des propriétaires de chiens souhaitent désormais emmener leur animal au travail
- Les managers font face à de nouveaux défis inattendus avec cette tendance
Il fut un temps où seul Michel Drucker pouvait se targuer d’avoir son fidèle compagnon à quatre pattes sur son lieu de travail. Mais les temps changent : aujourd’hui, le « pet at work » s’impose comme la nouvelle lubie des entreprises françaises. Une tendance qui fait grincer des dents les managers, déjà aux prises avec le télétravail et la gestion des open spaces. Entre opportunité et casse-tête organisationnel, ce phénomène cristallise les tensions du monde du travail moderne.
Le nouveau gadget RH à la mode
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 9% des entreprises françaises autorisent désormais leurs employés à venir travailler avec leur chien, contre 7% en 2021. Une progression qui s’explique notamment par l’évolution des mentalités post-covid, comme le révèle une étude Ipsos de juin 2023. Le télétravail ayant renforcé les liens entre les propriétaires et leurs animaux, 62% d’entre eux souhaiteraient aujourd’hui prolonger cette proximité au bureau, contre seulement 41% l’année précédente.
Dans un marché du travail tendu, certaines entreprises y voient une opportunité en or. « Le chien, c’est le nouveau baby-foot », résume Mylène Bertaux, auteure de Toutoute. Un argument particulièrement efficace auprès des 18-24 ans, qui constituent la tranche d’âge comptant le plus de propriétaires de chiens. Face aux 7,6 millions de chiens que compte la France, un chiffre en hausse de 8% entre 2016 et 2022, les entreprises tentent de surfer sur cette vague canine pour attirer les talents et… lutter contre le télétravail.
Les limites d’une tendance controversée
Mais le « pet at work » ne fait pas que des heureux. Les managers, déjà submergés par la bureaucratie et la « réunionite », voient d’un mauvais œil l’arrivée de ces nouveaux occupants à quatre pattes dans leurs open spaces. Comme le souligne The Economist, « tous les chiens ne sont pas formés à l’étiquette de bureau » : entre les affaires mâchouillées, les tapis souillés et les propriétaires parlant à leur animal « sur un ton de bébé« , les sources de tension se multiplient.
Le cadre légal tente tant bien que mal de réguler cette situation. Si rien n’interdit en principe d’emmener son chien au bureau (après autorisation de l’employeur), les restrictions sont nombreuses : interdiction des chiens d’attaque, exclusion de certains secteurs sensibles (santé, administration, alimentaire), nécessité d’obtenir l’accord du bailleur et l’avis du CSE. Sans compter les questions d’assurance et de responsabilité en cas d’incident.
Les avantages et les inconvénients d’emmener son chien au travail
Car les risques sont réels : entre les 10 à 20% de personnes allergiques aux chiens et les 10 000 morsures recensées chaque année en France (un chiffre probablement sous-estimé selon l’Anses), la présence canine soulève de légitimes inquiétudes. La cynophobie, cette peur des chiens qui touche de nombreux Français, pose également question : le bien-être des uns peut-il s’imposer au détriment des autres ?
Plus largement, cette tendance interroge notre rapport au vivre-ensemble en entreprise. Comment justifier l’accueil des chiens alors que certains établissements refusent les enfants ? Et si l’on accepte le chien de l’un, comment refuser le chat ou le hamster de l’autre ? Comme le résume avec humour un employé : « Et tant qu’on y est, pourquoi pas ma belle-mère ? » Une étude portugaise de 2021 met d’ailleurs en garde : les politiques favorables aux animaux ne fonctionnent que si elles s’inscrivent authentiquement dans la culture d’entreprise, pas comme simple outil marketing de bien-être au travail.